Qu’est ce que j’ai dans ma p’tite tête?


Le vieux ouvre la fenêtre mais ne peut mettre son nez dehors, car la vitre est bloquée. Dispositif anti-suicide d’après-eux, ils veulent m’étouffer, m’enterrer vivant ! Il passe sa main dans l’interstice et sent l’air frais caresser sa peau. L’air est porteur de souvenirs.

Il se glisse dans ses cheveux d’enfant alors qu’il court à travers champs avec son frère, une grange en feu derrière eux. C’était un accident, ils n’étaient que des gamins, c’était la guerre. Puis ce fut l’air chaud de l’Algérie, une autre guerre. Il revoit le vent sur les dunes, l’essentiel invisible. Il se souvient de la terrible beauté du désert, qui l’a toujours fasciné. C’est un autre désert qu’il traverse aujourd’hui, bien plus aride. Saura-t-il en trouver la beauté ? L’air souffle sur les fondations de sa maison, sur la naissance de ses enfants. L’air effrite les châteaux de sable des plages de Belgique, et inlassablement il les rebâtit, pour le bonheur de ses petits-enfants. Mais ils ont grandi et le vent les a emportés loin de lui.

– Qu’est-ce que j’ai dans ma p’tite tête... chantonne-t-il doucement.

Oui, l’air lui a apporté bien des choses. Mais aujourd’hui il n’y voit plus rien. L’obscurité règne. La souffrance de son corps fatigué l’aveugle. Il se sent abandonné des siens, irrémédiablement seul. Derrière sa fenêtre entrouverte, il regarde défiler les nuages, qui le recouvrent de nuit.

– A rêver comme ça le soir...

Tout là-haut, dans le désert du ciel, il croit apercevoir quelque chose. Il lui semble, il n’en est pas sûr, est-ce une éclaircie à la faveur de la Lune, ou les ailes déployées d’un oiseau ?

– D’un éternel jour de fête...

Cette fois il le voit, le trésor caché dans le désert. Enfin, il ressent l’air sur son visage qui efface ses rides, caresse ses souvenirs avec tendresse, et emporte sa dernière chanson.

– D’un grand ciel que j’voudrais voir.

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