Du fond du trou


 

C’était pendant un cours d’allemand. 

J’avais perdu le fil, la prof m’a attrapée.
Les yeux encadrés par ses lunettes carrées, 

Le visage encadré par son chignon serré.
Elle s’est mise à raconter.
Oui ! Raconter une histoire ! 

Il était une fois, un petit bonhomme qui marchait toujours le nez en l’air. 

Tant et si bien qu’un jour, il tomba dans un trou. 


Et après ? Que s’est-il passé ? 

On ne laisse pas ses auditeurs en plan comme ça ! 

Alors, j’écris la suite. 


Il était une fois, un petit bonhomme qui marchait toujours le nez en l’air, 

Tant et si bien qu’un jour, il tomba dans un trou. 

Et au fond du trou, il ouvrit les yeux.

Il posa sa main sur la paroi qui l’en-terrait. 

Il sentit la douceur de l’humus, la dureté des cailloux, la sinuosité des racines.

A fleur de terre, il vit des s’agiter des vers, et briller des paillettes. 

Et du fond du trou, il leva les yeux. 

Il vit le ciel, comme une pièce d’or bleu. 

Il vit le dessin des nuages, et le soleil à travers les gouttes de pluie.

Il vit les couleurs du jour, et puis celle de la nuit. 

Il vit virevolter les feuilles mortes en automne, au printemps les pétales. 

Il vit les oiseaux danser dans le chant des étoiles. 

Et prêtant l’oreille, il se mit à les écouter.


Car les oiseaux, comme les étoiles, parcourent le monde. 

Et il se passe de bien drôles de choses, dans ce monde !

Mais les oiseaux, comme les étoiles, taisent les grands bruits, 

Pour faire place aux petits. 

Ils racontent cette vieille dame, assise sur le parvis d’une église.

Plongeant sa main dans un sac de graines, elle les sème sur la pierre, pour nourrir les moineaux.

Et au-dessus d’eux, les statues sourient. 

Ils racontent les mains tendues, les yeux ouverts, les oreilles attentives. 

Ils racontent les murs de verre qui tombent, et les cris du coeur silencieux. 

Ils racontent l’invisible, et dans son trou, le petit bonhomme en a plein les yeux.
Alors il s’envole avec eux. 


Commentaires

Articles les plus consultés